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Festival de conte

avec la complicité de Martine Tollet

 victoria yakubov

 © Victoria Yakubov et Hervé Schneid

 

Les contes sont des migrants, comme les oiseaux, auxquels ils ressemblent tant. Tantôt ici, tantôt là, n’hésitant pas à se vêtir d’oripeaux différents selon les terres traversées. Depuis l’aube de l’humanité, c’est ainsi. Depuis que l’homme fabule, fait de sa vie, de ses rêves, de ses démons intérieurs et de ses épreuves, une histoire, des histoires. Alors, voilà! Une belle envolée de contes, de récits, d’épopées et de mythes a pris le chemin de la Syldavie.
Martine Tollet
 

 

VENDREDI 8 JANVIER / 19h30
Ouverture du festival

Vernissage de l’exposition de Victoria Yakubov : Les mites de l’oubli
Victoria Yakubov est née en Ouzbékistan. Suite aux événements des années 90 en Asie centrale, sa famille a émigré en Israël. "En exil, le temps efface lentement l'image du passé. Les mites de l'oubli dévorent la toile de la vie d'avant et les trous se remplissent avec les contes des grands-mères". De retour sur sa terre natale, à l'occasion du tournage du film Trésor au Kazakhstan, Victoria Yakubov a enfin pu reconstituer les images de son identité effacée. Cette exposition de photographies issues du film nous dévoilent le conte de ce passé retrouvé.

Projection de Menin Kazynam (Trésor) de Victoria Yabukov (13’, Kazakhstan/France 2015)
Cherchant le trésor familial, caché par son arrière-grand-père, Sholpan, 6 ans, trouve, à la place de diamants, un miroir magique dans lequel la nostalgie et le futur s'unissent en un magnifique.
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LUNDI 11 JANVIER  

19h Chez nous les Roms | Nouka Maximoff
D’où viennent les Roms? Quelles sont leurs joies, leurs peines, leurs fêtes ?
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21h Le Chant du Rossignol Brigand. Epopée de Kiev | Magda Lena Gorska
Ilia Mouromietz, paralysé depuis trente longues années, se lève pour délivrer son pays du mal.
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MERCREDI 13 JANVIER

15h Hermès | Catherine Phet
L’histoire d’Hermès, le Dieu du passage, et des frontières entre les vivants et les morts.
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21h Le Château de la Baco | Claire Garrigue et Olivier Langlois
L'histoire de la Baco, magicienne, guerrière, source de jouvence: qui boit de son eau gagne l’immortalité !
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VENDREDI 15 JANVIER

19h Contes de femmes du Maghreb | Barkaam Louaïl
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21h Les Dames de Badgad | Anne-Gaël Gauducheau
Une version résolument féminine - féministe ? - des 1001 Nuits.
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LUNDI 18 JANVIER

19h Innana et Dumuzzi | Martine Tollet
Une passion tumultueuse mise à l’épreuve par un bouleversant voyage aux Enfers.
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21h Héraklès (Peut-on guérir de ses erreurs ?) | Magda Kossidas
« Le fils de Zeus et d’Alcène / à la force de ses bras / conduira dieux et humains à la sérénité de vivre »
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MERCREDI 20 JANVIER

15h Un Rêve contre une piécette (20 min.) et La Plume de Finist Fier Faucon (40 min.) | Paul Kichilov
Une terrible sorcière, et une Baba-Yaga pas forcément si méchante que ça…
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21h Le Livre des chuchotements | Varujan Vosganian
Un immense conte entremêlant l'histoire du peuple arménien, celle du génocide de 1915 et de la famille de l'auteur.
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VENDREDI 22 JANVIER

19h Dersou Ouzala | Fabienne Peter
La rencontre d’un homme simple d’une grande humanité.
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21h Ashkan et Darshana | Martine Tollet & Vasken Solakian
La rencontre d’Ashkan et Darshana, une reine si belle que nul ne peut la regarder sans devenir à l’instant-même son prisonnier.
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Réservations 01 40 24 00 55 / Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Tarifs  5 € abonné-e-s/ 10 € réduit/  15 € plein
Pass festival : abonnement 15 € donnant droit au tarif à 5€ pour toutes les manifestations de la MEO pendant un an

portrait michel corvin       daniel lemahieu2

 

Si la Maison d'Europe et d'Orient existe, c'est bien sûr en premier lieu parce que le public la fréquente, parce que des équipes la défendent, et aussi parce que de hautes personnalités la soutiennent et la protègent. Parmi ces personnalités, deux d'entre elles avaient particulièrement marqué notre travail, bien sûr parce que leurs activités, autour des dramaturgies en Europe, croisaient les nôtres. Nous n'apprendrons rien à ceux qui connaissaient Michel Corvin et Daniel Lemahieu : le génie de la curiosité, de la découverte, de l'écoute était en eux. Leur envoyer des textes était un bonheur tant on était certain qu'ils seraient lus, analysés, décortiqués, et compris. On les aimait aussi parce qu'ils étaient honnêtes et sincères, lucides et impitoyables.

J'étais tombé sur Michel rue Gaston Baty, à la sortie de son dictionnaire, et nous avions disserté sur les lacunes que le mur effondré exposait désormais à tous. "Au boulot, mon p'tit gars !" La sanction n'avait pas tardé. Il ne triait pas ses sources à la brillance du label. Michel était des ultras du comité francophone d'Eurodram, et fort peu de textes lui échappait. Il nous avait confié la préparation d'une partie des travaux de son anthologie critique des auteurs dramatiques européens. Son dernier préféré était d'Asja Srnec Todorovic, Effleurement. L'humour désinvolte de Lasha Boughadzé l'amusait beaucoup aussi. Il était encore parmi nous il y a quelques semaines pour le trentième anniversaire de la MEO, en pleine forme... Michel venait de nous signer une préface pour le Maïdan inferno de Neda Nejdana. On pourra la trouver ici.

Daniel avait été mon professeur, et puis nous avions convenus d'aggraver notre cas. Confier une dramaturgie à Daniel aurait pu être la promesse de repartir piteux de sa crasse ignorance. Mais non, il y avait tellement de générosité, qu'on repartait séance tenante braquer la première librairie venue. Entre rebelles tchétchènes et pommes biélorusses, nous avions embarqué Daniel au Kosovo en 2003, pour l'atelier d'écriture du Voyage en Unmikistan, qui nous avait permis de découvrir Jeton Neziraj. Jeton nous répétait récemment encore combien cet atelier avait été important pour lui et pour toute une génération de dramaturges. Il n'y avait pas meilleur moteur de recherche que sa lecture. Lors d'une session de Sud-Est, Daniel nous avait lu tous les personnages de ce Voyage, avec dialogues et didascalies, apartés et commentaires, un pur moment. Après Roubaix il avait choisi de célébrer la partie parisienne de ses 50 ans de théâtre à la MEO à l'automne prochain. Daniel nous avait signé une préface pour Au-dessus de la plaine de Claire Gatineau. On pourra la trouver .

Deux monstres sacrés viennent de prendre congés. Mais il ne sont pas prêts de nous quitter. Parce que, comme dirait Danièle, notre cheminée d'usine ne mourira jamais.


Dominique Dolmieu & l'équipe de la MEO.

 

 

Maïdan inferno relève à la fois du théâtre d’agit-prop, du théâtre d’intervention, du théâtre témoignage et du reportage cinématographique ; entrelacs de formes d’écriture artistique qui explique la force d’impact de ce texte. L’auteur, Neda Nejdana, est ukrainienne et elle s’appuie sur des documents authentiques fournis par les journaux et des témoignages véridiques, saisis sur le vif des événements, pour évoquer une époque toute proche et restituer des faits qui ont laissé dans les corps et les cœurs des blessures ouvertes, mortelles pour certaines. Néanmoins, en tant qu’intellectuelle, Neda Nejdana prend une certaine distance avec ce qu’elle relate : sa composition complexe permet à sa pièce d’être à la fois chorale et réflexive, unanimiste et intime, d’en appeler à l’action ou à la réaction directe en même temps qu’elle place de longs textes, sous forme de monologues, dans la bouche des deux protagonistes, Ania et Oreste, saisis dans leur relation personnelle. C’est un talent rare de pouvoir ainsi se placer dedans et dehors, participer à l’exaltation (et à la peur) commune aux manifestants du Maïdan, tout en gardant le recul nécessaire pour éviter le simplisme d’une opposition manichéenne entre deux forces, et pour donner au lecteur/spectateur non ukrainien de quoi alimenter son propre jugement critique.

 

Neda Nejdana ne cherche nullement à partager les torts entre des insurgés pacifiques et des brutes répressives mais elle échappe à la tentation de transformer un événement devenu presque mythique (comme l’occupation de la place Tianan men à Pékin) en une geste épique ; celle-ci aurait l’inconvénient d’occulter le poids d’humanité vivante et souffrante qui donne à la pièce son authenticité et sa puissance d’émotion. Les personnages en effet ne sont pas symboliques, mais individualisés, même si certains (comme le Séminariste) ont quelque chose de schématique qui les transforme en représentants typiques de telle ou telle orientation psychique ou idéologique. Ce qui n’est le cas ni avec Ania ni avec Oreste. Quand Ania, après avoir participé au mouvement de protestation civique, rentre chez elle et se fait matraquer par la milice, elle perd conscience et se retrouve à l’hôpital aux côtés de son ami Oreste qui, lors d’une manifestation antérieure, a sans doute été tué. Ils achèvent alors, post mortem, leur déclaration d’amour réciproque qu’ils n’avaient pas osé mener à son terme de leur vivant. Dans la discrétion d’une fiction située dans le no man’s land de la mort, une intense douleur joyeuse jaillit de ces noces funèbres. A la fin, toute morte qu’elle est (sans doute) Ania se retrouve avec ses amis, sur les barricades, dans une dernière scène fantasmatique, pour fêter une victoire illusoire sur l’ « ancien régime », alors que la radio annonce que la Douma russe vient d‘autoriser l’armée à entrer en Ukraine pour défendre la démocratie ! Rien n’est donc acquis : conquérir les libertés les plus élémentaires est un travail de Sisyphe.

 

Néanmoins la sensation d’un cycle jamais achevé de petites réussites et d’échecs sanglants, pas plus que la souplesse et la fragmentation brechtienne du récit en sous-ensembles très divers n’empêchent nullement l’exaltation, voire l’utopie, de prendre le dessus. La référence finale au mot d’ordre des révolutionnaires français de 1792, « La liberté ou la mort ! » nous fait souhaiter que les Ukrainiens (qui sont loin d’avoir dépassé le conflit dont la pièce est nourrie) accèdent à la liberté sans la payer de leur vie, mais par des moyens pacifiques et démocratiques. Le « tout ou rien » des révolutionnaires d’antan reste cependant et malheureusement d’actualité : la violence et la haine de l’autre sont toujours aussi vivaces ; elles ont simplement décuplé leurs forces en mettant au service du pouvoir les mensonges et les hypocrisies des media. Dimension qui n’échappe nullement à Neda Nejdana.

 

En somme, sans être prophétique la pièce, toute sombre qu’elle est, va dans le sens de la réalité politique actuelle de l’Ukraine. Elle a, pour les autres Européens, valeur d’information et de mise en garde. Même si l’Occident n’est pas menacé d’une prise de pouvoir par un nouvel Hitler ou un nouveau Staline, les sources d’affrontements, de violences et de refus d’autrui sont toujours aussi puissamment alimentées, avec les mêmes méthodes de déni de la vérité. « Le Maïdan est vivant, comme si c’était le rythme de mon cœur », déclare Ania, morte pourtant. Forte leçon de courage, bonne à imiter ; émotion et générosité des personnages, précieuses à partager ; lucidité intellectuelle, utile à entretenir, tout cela est l’apport de cette pièce. Que Neda Nejdana en soit remerciée.

 

Michel Corvin (2015).